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Le Petit Machin

Galères de la vie courante ou moins courante, réflexions et opinions d'un joyeux petit machin !

Dommage collatéral

 Photo de Andrea Piacquadio

Photo de Andrea Piacquadio

Mon opération cardiaque se rapproche sérieusement. Et l'angoisse qui va avec aussi. Elle se gère, il y a des hauts et des bas et des choses à exprimer pour m'alléger un peu. L'entourage joue beaucoup aussi et le mien m'apporte beaucoup de soutien. Mais j'aurais bien aimé éviter un aspect de tout ça que je n'avais pas envisagé.

En début de semaine, j'ai été faire un petit séjour pré-opératoire à l'hosto. 3 jours d'examens médicaux, d'ennui et de remarques pénibles. Pour les examens médicaux et l'ennui, pas de débat. J'étais à l'hosto, pas en camp de vacances. Mais je vais m'attarder un peu sur toutes ces petites remarques auxquelles j'ai eu le droit. Parce que la façon dont le milieu médical aborde la maladie et la soi-disant "normalité" me pose question.

Dés mon installation dans la chambre, l'infirmière m'a fait les gros yeux quand je lui ai donné mon poids. Puis il y a un premier examen médical avec ses traditionnelles galères de gabarit :  : "Ben oui, le matériel médical ne colle pas mais on n'en voit pas tous les jours des petits gabarits comme vous". Pour l'aiguille de la prise de sang, pour la ceinture thoracique post-op, pour l'embout de la machine qui mesure les capacités respiratoires et j'en passe. Et surtout les remarques pas méchantes mais trop redondantes des différent.es soignant.es : "Ah ben dis donc, je peux vous en donner moi hein !"(en parlant de son gras), "vous êtes un cas vraiment très rare alors avec vous c'est compliqué" ou encore "Il faut manger hein ! Parce que vous êtes vraiment un poids plume". 

J'ai bien conscience que les soignant.es ont parfois une charge de travail tellement importante que chacun.e fait bien comme il.elle peut et que ces remarques n'étaient pas mal intentionnées. Elles ne partaient pas d'une volonté de me blesser ou de m'enfoncer la tête dans ma maladie. Pourtant c'est un peu ce qui s'est passé. Au fur et à mesure des heures, des jours, ma confiance en moi et en mon corps s'est amenuisée. Et finalement, ce qui a été le plus dur dans cette hospitalisation, ce n'est pas les examens, la bouffe, la voisine de chambre qui ronfle ou bien le temps qui passe trop lentement. C'est l'image qui m'a été renvoyé de moi-même.

Oui je suis gaulée comme une mouche. Oui des gabarits comme moi, on n'en voit pas tous les jours (quoique, je fais à peu près la taille d'un enfant). Oui ça nécessite parfois une adaptation. Mais enfin, on est à l'hôpital ! Est-ce que ce n'est pas un lieu qui, par définition, se doit d'accueillir tous les corps, aussi différents soit-ils ? Est-ce bien nécessaire de marteler ma différence à la moindre petite contrainte ? Moi j'ai déjà la réponse.

Et je vais tenter une explication qui n'a rien de scientifique ou de sociologique mais qui se repose sur mon expérience répétée de ce type de situation. Marquer systématiquement la différence, c'est une façon de se rassurer sur son propre corps je crois. Un truc du genre "Wow, j'ai du mal à assumer mon corps mais en fait, il est plutôt normal par rapport à d'autres". Et tout ce tintouin autour de la normalité. Le milieu médical est finalement très normalisant (ouai je sais, c'est pas une découverte). A l'hôpital et chez les médecins, plus encore qu'ailleurs, "l'anormalité" de mon corps est mise en avant et pose apparemment problème, en dehors de toutes considérations liées à son fonctionnement. Dans le monde médical aussi, il s'agirait, dans une certaine mesure, de tendre toujours plus vers un modèle d'humain valide, en parfaite santé, répondant à des standards de beauté toujours plus exigeants (et de préférence blanc et masculin).

Le corps et l'esprit ne sont pas deux entités séparées. Ils sont indissociables l'un de l'autre. Or si on prend soin de notre enveloppe corporelle mais pas de ce qu'il y a dans notre tête, on perd, il me semble, une partie des bénéfices des soins qui nous sont apportés. La santé mentale et la santé physique sont intrinsèquement liées et ça n'est pas moi qui le dit, ce sont des tas de scientifiques (notamment Mr Damasio).

Soigner les gens, c'est aussi prendre soin de ce qu'il y a dans leur tête. C'est d'abord un processus individuel bien sûr mais qui, pour moi en l’occurrence, n'est pas franchement facilité par le corps médical.

Je ne remet pas en question la qualité des soins qui me sont apportés et la compétences des soignant.es qui m'accompagnent. Je suis aussi très reconnaissante de ces professionnel.les qui me permettent de garder une bonne qualité de vie ou même simplement de rester en vie. Je suis extrêmement chanceuse de vivre en France et de profiter de son système de santé. Et il y aussi des rencontres chouettes à l'hôpital. Alors je vais me concentrer sur celles-ci et prendre de la distance avec le reste. Mais, la vache, ça demande de l'énergie de ne pas avoir la dégaine de Mme.Mr Tout-le-monde (si tant est que ça existe).

 

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